samedi 7 mai 2016

20 ans de course à pied, le bilan


7 mai 1996 - 7 mai 2016.
Aujourd'hui ça fait très exactement 20 ans que je cours.

Comme je suis un peu bizarre, j'ai noté scrupuleusement la durée, la distance et la vitesse de chacune de mes sorties, ce qui va me permettre de partir un peu en vrille dans des calculs bizarres et illogiques.

Devant vos yeux ébahis et votre air incrédule (ou le contraire) voici venue l'heure du bilan. Dans les 20 dernières années, votre serviteur a parcouru en courant 22662 kilomètres en 1897 heures, soit une vitesse moyenne d'environ 11,94623089088034 kilomètres à l'heure (Après toutes ces approximations, le moment était venu de redevenir précis).

Comme j'estime la longueur moyenne de ma foulée à 90 centimètres, je peux également estimer à l'aide d'un calcul simple qui ne risque pas de me faire un claquage au cerveau qu'en 20 ans de course à pied j'ai fait 25 millions de pas. J'ai donc réussi à propulser vaillamment (ou péniblement selon le cas) mon corps vers le haut et en avant 25 millions de fois. Plus haut, toujours plus haut et en avant, toujours en avant, vers le zénith et vers l'horizon.

Finalement, tout bien considéré, ce n'est pas si impressionnant que ça : je n'ai parcouru qu'un peu plus de la moitié d'un tour de terre soit à peu près l'équivalent d'un aller-retour Paris-Vladivostok (sauf que c'était quand même plus facile et que j'ai eu moins froid). Je ne tire pas ce kilométrage de mon chapeau car Google Maps a accepté de me calculer un itinéraire à pied de Paris à Vladivostok. Il a proposé 11468 kilomètres, m'a paru très sûr de lui et a eu la bonne idée de me signaler que l'itinéraire traversait plusieurs pays et que je devais impérativement prendre au moins une fois le Ferry mais a refusé de me dire où. De toutes façons, comme le ferry c'est un peu de la triche, je pense traverser à la nage. Il m'a aussi conseillé de prendre une petite laine car en ce moment à Vladivostok, les nuits sont fraîches.

J'ai également fait l'équivalent de deux fois le tour de la lune ce qui est quand même beaucoup plus classe. Je préfère courir sur la lune, c'est plus facile à cause de la gravité et surtout, ça me correspond mieux.

Je pèse maintenant 75 kilos et je pesais environ 95 en 1996, avec un poids moyen sur la période de 80 kilos. Les pauvres articulations de chacune de mes pauvres jambes ont donc eu à supporter 12,5 millions de fois 80 kilos soit un total ahurissant de 1 milliard de kilos. Ça fait environ un cinquième du poids de la pyramide de Khéops avec chaque jambe. Je suis très fier de mes jambes et surtout de la gauche qui a été beaucoup moins gâtée par la nature que sa voisine.

Un milliard de kilos...
Ça tombe super juste et je n'ai même pas triché !

Vous avez remarqué ? J'ai divisé 25 millions par deux et vous êtes en train de vous dire : "pas bête ce Nulenspore, il a divisé par deux car il a deux jambes". Ce qui permet d'en déduire que si le Nulenspore avait été une araignée, il aurait divisé par 8. S'il avait été un crabe, il aurait divisé par 10. S'il avait été un mouton, il aurait divisé par 3 (J'ai jamais pu blairer les moutons, je suis sûr qu'ils sont trop bêtes pour utiliser toutes leurs pattes en même temps, leur cerveau n'a pas la capacité suffisante). S'il avait été un diplopode (merci Wikipédia), il aurait divisé par une valeur comprise entre (2 + ((nombre de segments du Nulenspore - 4) x 4)) et 750. En fait s'il avait été une araignée, un crabe, un mouton ou un diplopode il n'aurait rien divisé du tout. Ces trucs-là ne divisent pas comme nous. Seul l'Humain sait diviser.

C'est maintenant le moment idéal pour relire la métamorphose de Kafka, et le premier qui me donnera le nombre de pattes de Gregor Samsa gagnera une photo dédicacée et sera ainsi le seul à connaître ma véritable identité.

(Pause lecture Kafkaïenne)

1 000 000 000 kilos.
1 000 000 tonnes.

1000 kilotonnes sur chaque jambe, ça fait déjà deux jolies bombes.  Et dire que je me demande encore naïvement pourquoi j'ai un peu mal partout tout le temps. Ce n'est pas une douleur qui m'obligerai à arrêter de façon définitive mais "seulement" une sorte de grosse courbature généralisée permanente. Pour simplifier, on peut dire que j'ai mal tous les matins à un endroit différent ce qui, comme le dit si bien mon cher père, est un signe indéniable de bonne santé.

Le temps n'arrange rien à l'affaire et j'ai maintenant 53 ans, ce qui va me permettre de placer une autre citation célèbre de mon géniteur : "passé 50 ans, si tu te réveilles le matin sans avoir mal quelque part, c'est que tu es mort". Donc, je ne suis pas mort et c'est tant mieux.

(A propos, je viens de vérifier et on ne peut pas savoir combien Grégoire Samsa a de pattes car ce n'est pas écrit dans le livre. Je pense qu'il est un peu tard pour le demander à l'auteur. Tant pis, il nous reste l'imagination et nous diront que la bonne répons est 7, uniquement pour embêter les psychorigides qui vont nous rétorquer qu'aucun être sur cette planète ne nait avec un nombre impair de pattes.)

Mon prochain article sur le sujet est prévu pour le 10 mai 2036 et j'aurai alors 73 ans et quelques prothèses dans un métal que l'on a pas encore inventé. J'espère que grâce aux progrès de la médecine, je pourrai encore courir.

Pour ne pas perdre trop en vélocité et en endurance, j'envisage déjà d'acquérir :

- Des jambes bioniques iLegs7S (© Apple 2036) . La version 7 est géniale mais la version 7S, bien que sensiblement plus chère, est plus belle et donne plus envie aux autres vieux coureurs d'avoir les mêmes.

- Des hanches renforcées MsHips10 (© Microsoft 2035) . Attention : il faut prendre la version 10 car les 9 versions précédentes sont instables, doivent être redémarrées souvent et ne permettent pas de courir droit.

- Un cœur artificiel Google BioTech Heart (© Google 2036). Couplé en temps réel avec Google+, le réseau social le plus utilisé en 2036, il permet de trouver instantanément l'âme sœur parmi les 3 milliards d'humains équipés, ce qui est un avantage non négligeable.


J'espère aussi que j'aurai bouclé mon tour du monde.
J'espère.

John Di Nulenspore, 7 mai 2016.