dimanche 29 mai 2011

Nulenspore (Homo Minimalus Vulgaris)

Ou on retrouve John qui a de plus en plus mal partout à cause de la course à pied et cherche une solution pour continuer à courir, avec le secret espoir de faire un jour un podium en catégorie "Vétéran 5".

"Merci pour le certificat médical, Docteur, mais dites-moi, c'est normal que j'aie tout le temps un peu mal là, et puis là, et encore là ? Et là aussi ?".

Mon praticien préféré chausse ses lunettes qui, soit dit en passant, le rendent aussi sérieux que le titre en latin de cuisine de cet article et lève vers le ciel un doigt moralisateur. Dans cette position, il a tout du Schtroumpf à lunettes, le bleu en moins. Je pressens ce qui va suivre et pour être certain de rester bien détendu, je l'imagine peint en bleu avec un joli bonnet blanc. Ca lui va bien. Comme ça risque de ne pas être suffisant je m'empresse d'ajouter mentalement le pantalon blanc moulant et la petite queue ronde qui dépasse. Ok, je suis prêt, vas-y, tu peux envoyer la prise de tête, Doc !

"Mais mon cher John, vous courez trop. Courir c'est mauvais, c'est mauvais pour les articulations, mauvais pour les tendons, mauvais pour les genoux, mauvais pour les hanches, mauvais pour les chevilles, mauvais pour le dos, courir détruit votre corps. Vous devriez faire de la natation ou du vélo ; ça, ce sont de bons sports. Courir c'est MAL."

Bon, c'est fait. Il n'a pas dit vélo, natation OU golf, c'est toujours ça de gagné. Je me serais senti obligé de critiquer le golf et ça se serait certainement terminé en pugilat. Pour l'instant l'orage est sous contrôle, mon prof de yoga serait fier de moi, si j'en avais un.

Je prends ma respiration, me concentre une nouvelle fois sur mon image mentale de schtroumpf médecin à lunettes, et la réponse fuse en accélération progressive comme si je l'avais apprise par coeur : "Mais Docteur, j'aime courir. Vous dites que la course à pied est mauvaise pour le corps mais je vous rappelle qu'en 15 ans de course à pied ma tension artérielle a baissé de 4 points et est devenue normale, j'ai perdu 20 kilos, mon rythme cardiaque au repos est descendu de 20 pulsations par minute, je dors comme un bébé, je me sens bien dans ma tête et dans mon corps, je suis calme, je ne fais plus de grosses colères, je ne suis plus dépressif, je pense que courir c'est bon pour le corps et c'est bon pour la tête, de plus (à partir de là, on lit très vite pour finir au sprint) je fais déjà mes 100 kilomètres de vélo de route chaque semaine, je préfère éviter les piscines car je nage comme une plaque d'égout mais pour moi rien ne remplace la course à pied car la course à pied, c'est le pied" - stop - Fin de transmission. Vous pouvez respirer.

Décidemment, ce n'était pas une bonne semaine : la veille, mon pote Karl a qui je parlais de ma douleur persistante au tendon d'Achille - Karl est officiellement Masseur-Kinésithérapeute dans le civil mais en fait, c'est une couverture : il est en réalité Grand Maître Cosmoplanétaire de la secte "Ecoute ton corps" - m'a dit, prenant son air le plus inspiré : "ton corps essaie de te dire quelque chose". Je me répète toujours les conseils de Karl avec un accent Roumain et ils prennent tout de suite une autre dimension. Essayez, vous allez voir, c'est irrésistible.

D'accord les gars, merci pour votre soutien. Alors, si je résume : soit je change de sport, soit j'écoute mon corps qui me susurre à l'oreille "depuis que tu cours, j'ai mal partout : fais autre chose".

Sinon il y a la secte de Karl...
Je refuse d'accepter ça sans me battre.
Alors je cherche.
Sur Google.
Car Google est mon ami.
Un ami dont il faut se méfier.

Première constatation, les coureurs se blessent tout le temps, vous pouvez vérifier. Le nombre de blogs sur les blessures en course à pied est presque aussi important que le nombre de sites de rencontres. Pourquoi toutes ces blessures puisque courir est une activité naturelle ? A mon avis, l'homme est génétiquement programmé pour courir très vite une fois de temps en temps - quand il est poursuivi par un tigre à dents de sabre, le mari de sa maitresse ou le pitbull du voisin - et trottiner très longtemps le reste du temps.
Alors ? Qu'est ce qui fait que l'homme moderne se blesse tout le temps en courant ?

Les réponses ne manquent par sur la toile mais celle-ci m'a particulièrement inspiré : et si c'était tout simplement parce qu'on court mal ? Méditez donc cette affirmation : on court mal parce que nos chaussures ont trop d'amorti et nos chaussures ont trop d'amorti parce que sans cet amorti on se blesserait, car on court mal. Vous suivez l'idée ? Si c'est vrai, on n'est pas sortis des ronces...

Je me suis alors intéressé à cette mode venue d'outre Atlantique : le Barefoot Running, autrement dit la course pieds nus. Dangereux voire impossible dans nos régions, me direz-vous ? Je suis d'accord. Et un peu trop extrême aussi ; j'aurais l'air malin dans la forêt avec mes plantes de pieds aussi résistantes qu'un derrière de bébé. Par contre, une évolution du Barefoot Running m'a paru particulièrement prometteuse : la course à pied en chaussures minimalistes. Cette pratique consiste à courir avec des chaussures sans amorti, très légères, avec une semelle fine qui permet au pied de continuer à recevoir les informations transmises par le terrain et surtout avec une semelle "zero-drop", c'est à dire sans dénivelé entre le talon et l'avant de la chaussure.

Ca a été une révélation et je me suis alors transformé progressivement en Homo Minimalus. Les résultats ont été surprenants, mais ça, je le raconterai une autre fois.

Parce que ça n'a pas été simple.
Mais ça a été drôle.

mercredi 4 mai 2011

220 moins ton âge, à un cheval près...

On retrouve John qui a arrêté de s'épuiser bêtement, et attaque avec détermination un "Plan Marathon en 3h30" en faisant aveuglément confiance à cette sainte liste comme si elle avait été concoctée par le messie Cosmo-Planétaire en personne.

Toutes les allures de mon premier plan d’entraînement étaient données en pourcentage de ma Fréquence Cardiaque Maximale, la fameuse FCM. La première étape logique consistait à déterminer le nombre maximum de battements que mon cœur pouvait produire en une minute ce qui, admettez-le, n’a vraiment rien de rassurant et peut même tourner rapidement à l’angoissant. Dans ces cas là, il ne faut surtout pas réfléchir : ça fait trop peur.

Après avoir écumé Google, j’ai essayé un peu toutes les méthodes de détermination de la FCM dans l’espoir de parvenir à un résultat raisonnablement juste. J’étais bien naïf à l’époque, j’ai donc courageusement :

- Calculé "220 moins mon âge à un cheval près" sans même avoir recours à une calculatrice,  pour obtenir "177 plus ou moins 17,7". Ca n’a pas été le calcul le plus difficile, mais certainement le plus inutile.

- Utilisé la beaucoup moins célèbre équation de Robers et Lanwher pour déterminer que (208,754 - 0,734 x mon âge) était à peu près égal à 177,192. Cette fois j’ai eu besoin d’une calculatrice ce qui prouve, d'une part, que la méthode est beaucoup plus juste et d'autre part, que ce n’était vraiment pas la peine d'ajouter trois chiffres après la virgule pour parvenir au même résultat.

- Utilisé pas mal d’autres formules : Inbar (205,8 – 0,685 x mon âge = 176.345), Miller (217 - 0,85 x mon âge = 180.45) avec à chaque fois des résultats différents.

- Compris que rien ne vaut un bon test sur le terrain, mais que c'est quand même plus fatiguant que le calcul.

- Couru, après un bon échauffement, un kilomètre en accélération progressive pour finir au sprint et complètement épuisé ce qui m’a permis, lorsque j’ai repris connaissance, de constater que j’avais atteint une FCM de 181. Nouveau record.

- Subi (oui, c'est le bon terme) un test d'effort sur tapis roulant dans le célèbre centre de médecine du Sport de l’hôpital du coin ; test durant lequel on a poussé mon corps dans ses derniers retranchements en me pompant un peu de sang toutes les 3 minutes - probablement pour augmenter mon niveau de stress - et parvenir à un résultat  irréfutable et approuvé à 100% par la médecine moderne : 185. Record battu.

J’avais donc amené mon palpitant, en zone rouge, au régime moteur exceptionnel de 185 pulsations par minutes et jusqu’à preuve du contraire c’était ça son maximum. Je pense que si j’avais un peu réfléchi au fait que mon cœur tournait sans interruption et sans jamais se plaindre depuis déjà 43 longues années, j’aurais probablement renoncé à faire tout ça et je me serais contenté du célèbre "220 moins l'âge du non moins célèbre Capitaine".

Ce qui est beaucoup plus drôle, c'est d'imaginer la tête de John qui, alors qu'il finissait quelques semaines plus tard son entrainement par une bonne accélération dans la petite montée de 400 mètres qu'il aimait tant, a vu apparaître fugitivement un énigmatique 201 sur son cardiofréquencemètre. La preuve était faite : il avait parfois un coeur de jeune, mais malheureusement ça ne durait pas longtemps.

John a jeté son cardio et acheté un GPS, le coeur de l'Homme est décidément trop instable.