jeudi 21 avril 2011

Le couragemètre du Baccalauréat 1980

1980 : John est en Terminale et sa copine s’appelle Carole. Elle est adorable Carole, gentille, intelligente, drôle, mais si John est le roi des Nulenspores, elle en est l'impératrice. Carole a décidé qu’elle ne passerait pas le reste de sa vie dans la ferme familiale, au fond du marais de R., comme 10 générations de femmes avant elle, alors elle travaille d’arrache-pied pour l’avoir ce bac et elle veut mettre toutes les chances de son côté. Tous les points qu’elle pourra grappiller sont importants, même en sport... Déterminée la gamine, pas très lucide, mais déterminée. John, lui, a lâché l’affaire depuis longtemps et il traîne sa minuscule carcasse  dans les cours d’EPS en essayant de se rendre le plus transparent possible. C’est de plus en plus difficile car le grand Sportif En Chef a décidé que pour être aussi mauvais, il fallait forcément le faire exprès : incompréhension, conflit, et finalement répression.

Pour le bac, nous devions choisir deux épreuves parmi les trois proposées : natation, athlétisme, gymnastique au sol ; tu parles d’un choix. Tu préfères perdre un œil, une main ou un pied ? En natation, nous n’avions aucune chance d’arriver en vie de l’autre côté de la piscine alors le choix s’imposait de lui-même : ce sera gymnastique et athlétisme. 

Bourreau ! Un œil et une main s’il vous plaît.
Oui, chacun.

Ça s'annonçait folklorique. En gymnastique, passée la galipette que nous pratiquions depuis notre plus jeune âge, le reste semblait hors de portée. Et l’athlétisme : lancer de poids ? Mais oui, c’est ça. Saut en hauteur ? Ben voyons. Sprint ? Je pouffe.

Restait le "demi fond", 1000 mètres pour moi et 600 mètres pour elle ; ça, c’était jouable. Courir on savait faire, pas très vite c'est vrai, mais on savait faire. On jouait à chat pendant des heures dans la cour de l’école primaire, on courait bien en ce temps-là et notre corps allait s’en souvenir. Du haut de ses 1m50, avec son léger embonpoint, Carole était taillée pour la course à pied comme moi pour l’haltérophilie, mais elle avait décidé qu’elle ferait le maximum sur ces 600 mètres et l’impasse sur tout le reste, enfin, tout le reste du sport. Après tout, ce n’était qu’un tour et demi de piste, pas la mer à boire.

Le jour de l’épreuve, assis sur un banc et attendant mon tour, j’ai assisté à la course de ma copine. J’étais probablement le seul à me rendre compte de la performance exceptionnelle qu'elle était en train de réaliser : compte-tenu de sa morphologie, elle courait vite. Malheureusement, j'étais également conscient que ça ne l'empêcherait pas de se prendre une gamelle, une bonne grosse gamelle de Nulenspore. Je me suis pris à rêver d’un monde ou les résultats sportifs seraient basés sur autre chose qu’un temps, une vitesse, une distance, une hauteur. On inventerait un appareil, un couragemètre ça s’appellerait, et une unité de mesure : le Koura. Il y aurait des picoKoura, des nanoKoura, des microKoura et toute la suite jusqu’au yottaKoura, qui représente comme chacun sait 10 puissance 24 Koura. Une petite mesure avant la course, une petite mesure après la course et hop : une note en Koura. Une note qui ne serait pas fonction du patrimoine génétique du sujet, de sa santé, de sa taille, de son poids, de son Handicap. Une note juste. Une note de courage.

600m féminin. Première : Carole M, 23.8 gigaKoura, 19/20, Félicitations.

John a fait, cette année-là, l’enchaînement de gymnastique au sol le plus tordant de la décennie avec une note de 3.27 pétaKomik, une performance encore inégalée à ce jour dans une épreuve sportive scolaire.

Mais il s’est arraché les tripes sur son 1000 mètres.
Il a grappillé un point.

samedi 16 avril 2011

Tu cours le Marathon ? Moi, j'ai un copain qui ...

Vous l'avez reconnue cette petite phrase ? Je suis sûr que vous l'entendez souvent, ou une de ses variantes ... Comme sa structure est toujours sensiblement la même je vous propose un petit jeu : retrouvez quelques-unes des innombrables possibilités en associant les bons éléments choisis dans les listes 1, 2, 3, 4 et 5 ci-dessous :

1) Moi, (facultatif, mais en général implicite) 

2) Mon / Ma / Le / La / L' / …

3) Copain / cousine / frère / père / ami d'un type qui était en CP avec moi / grand-mère de mon voisin / cousin de mon facteur / copain de ma fille / frère de ma femme / curé de ma paroisse /  …

4) A couru / a fait / est arrivé(e) Enième à / a traversé / …

5) La diagonale des fous / Le marathon des sables / l’Ultra Trail du Mont-Blanc / le spartathlon / le Western States Endurance Run / l’Ironman d’Hawaii / les 100km de Millau / la Badwater / le maxi trail des trois ânes / le Awfully Dehydrated Mummy Ultra Marathon / le désert de Gobi tout nu avec juste un verre d'eau, une petite cuiller et le Manuel des Castors Juniors / …

D’une simple phrase composée de 1+2+3+4+5, le Grand Mâle Dominant vient de renvoyer mes 42 kilomètres 195 de détermination et de douleur au rang de simple promenade de santé, de footing du dimanche, de petit décrassage de début de saison. Tout le monde peut courir longtemps, il suffit de s’entraîner, c'est facile, juste une question de volonté !

J’aimerais lui parler des sorties longues sous une pluie battante, des footings glacés au petit matin, des séances de VMA à l’arrache ; mais également de l’ambiance électrique dans le peloton juste avant le départ, les blagues à deux balles pour masquer le stress, des gentils bénévoles qui nous tendent des gobelets aux ravitaillements, des encouragements des inconnus sur le bord de la route, de ce petit jeune qui m’a servi de lièvre à la fin d’un 20 kilomètres et a fait demi tour pour m'aider à me relever quand je suis tombé. Bref, de tout ce qui fait de la course à pied un sport Humain. Mais il préfère le surhumain, l’inhumain. Tant pis...

 Il fut un temps ou le simple fait de dire "je cours parfois un Marathon" allumait des petites étincelles dans les yeux de votre interlocuteur, et son expression, un mélange subtil d’incrédulité et de respect, vous réchauffait le cœur. Tu peux courir pendant 42 kilomètres ? Ouah ! La classe ! Courir un Marathon est maintenant devenu d’une banalité affligeante et le non initié peut penser que courir longtemps ça n’a rien d’insurmontable. C’est le cas en effet à condition de « s’entrainer », mais comme il est lourd de sens ce petit S apostrophe…

Je dédie ce billet au 32000 courageux du Marathon de Paris 2011, avec une pensée particulière pour ceux qui se sont battus fièrement contre eux-mêmes mais n’ont pas atteint la ligne d’arrivée.

dimanche 3 avril 2011

L'arme absolue de John contre le mamelon du coureur (Jogger's Nipple)

Vous connaissez peut-être cette galère de la course à pied : le Jogger's Nipple est cette irritation provoquée par le frottement du tissu trempé de transpiration sur les tétons. Ce frottement fini par provoquer des crevasses et faire saigner, c'est très moche et surtout ça fait très mal. Terminer une course avec ces deux auréoles de sang, indépendamment de l'inconfort subi, ça gâche tous les efforts que l'on a pu faire pour gagner de précieuses secondes, ainsi que le soin que l'on a pu apporter à sa tenue pour être beau dans le peloton.

J'ai subi ce désagrément assez longtemps, il faut dire que j'ai toutes les caractéristiques pour être élu "Jogger's Nipple of the Year" : une transpiration excessive, des pectoraux (légèrement) proéminents et des mamelons qui ont tendance à se durcir quand je cours.
Je vais juste pour le plaisir vous énumérer les techniques, toutes plus inefficaces les unes que les autres, que j'ai pu expérimenter avant de trouver l'arme absolue (The Ultimate Anti Jogger's Nipple Weapon).  Ca va me permettre de faire durer un peu le suspense. Attention ! Interdiction de commencer à lire cet article par la fin sinon, dans un prochain article je vous dévoile la fin des films suivants : Sixième sens, Shutter Island, le crime de l'Orient Express et Harry Potter 21.

Parmi les trucs inefficaces, on trouve :

- Le pansement collé sur le mamelon : ne tient pas plus de 3 minutes.
- Le carré d'Elastoplaste grande largeur 6cm par 6cm collé sur les poils : ne dépasse pas les 8 kilomètres et si par miracle il tient, bonjour les hurlements sous la douche pour le décoller.
- La vaseline ou le produit anti frottement : pourquoi pas, très efficace à condition de s'arrêter tous les 400m pour en remettre.
- Le maillot en tissu ultra technique à 127€ : ça retarde un peu mais ce n'est pas suffisant pour moi. Je finis toujours pas réduire à néant les capacités d'évacuation du tissu. Pauvres ingénieurs, tout ce travail pour rien.
- Le maillot de 2 tailles trop petit enfilé sous le maillot normal : très efficace mais comprime trop les poumons ; c'est un peu dommage en course à pied de ne pas disposer de toute sa capacité respiratoire.
- La brassière : oui, mais bonjour le look.
- La bande de maintien : inutile quand elle a glissé jusqu'au nombril.
- Le capteur du cardio positionné juste sur les mamelons : efficace si on le repositionne tous les 400 mètres (pendant que vous y êtes vous pouvez profiter de l'arrêt pour remettre de la vaseline).
- Le soutien-gorge : je n'ai jamais pu me résoudre à ça, que voulez-vous : on a sa petite fierté.
- Ne pas courir quand il fait chaud : ça ne va pas, non ? Vous vous sentez bien ?
- Toujours courir doucement pour ne pas transpirer : vous voulez dire 2 km/h ? Même remarque que ci-dessus.
- N'acheter que des maillots rouge sang : idée géniale mais c'est quand même un constat d'échec, sans compter que ça n'enlève pas la douleur.

Maintenant que je vous ai bien soûlés avec ma petite énumération, je vais vous révéler mon astuce, utilisée systématiquement sur toutes mes sorties depuis des années : Vernis à ongle incolore "Tenue Strong Pro" de Gemey Maybelline.  Je pense que ça doit fonctionner avec tous les vernis à ongles incolores, mais avec celui-là je n'ai jamais eu de soucis, et surtout aucune réaction allergique.

Voici le mode d'utilisation :
- Si vos tétons sont déjà abimés je vous conseille d'attendre quelques jours leur cicatrisation complète si vous ne voulez pas faire, contre votre volonté, une démonstration de gigue Irlandaise.
- Si vous décidez de ne pas suivre le conseil précédent, merci de demander à quelqu'un de votre entourage de vous assister et surtout de se munir d'un appareil d'enregistrement vidéo.
- Appliquer une bonne couche sur le bout du mamelon et laisser sécher une minute.
- Appliquer une couche un peu plus grande et laisser bien sécher.
- Pour un 20 km ou plus : ajouter une couche.
- Pour un Marathon : ajouter encore une couche, ce sera donc la quatrième.
- Très important : le vernis doit impérativement être sec au toucher quand on enfile le maillot.

Je n'ai pas testé au-delà du Marathon, mais je peux vous assurer que vu comment je transpire, si ça tient sur moi, ça tiendra sur vous. La petite pastille ainsi créée est très solide, résiste parfaitement au frottement et pour l'enlever c'est simple : décoller légèrement le bord, attraper avec les ongles ou une pince à épiler, et tirer. Ca part tout seul, et sans tirer sur les poils.

Merci qui ?
Merci Tonton John !
Sinon, à la fin de "Sixième Sens", on comprend que...
Non, je déconne.