dimanche 9 octobre 2011

Seul, on avance moins vite.


Encouragement (nom masculin) :
  • Action d'encourager.
Encourager (verbe transitif) :
  • Donner du courage à quelqu'un, le réconforter ou l'inciter à persévérer, à faire mieux ; stimuler.
  • Inspirer à quelqu'un du courage pour agir de telle ou telle manière, l'inciter, le pousser à faire quelque chose.
  • Favoriser une action, une activité, en stimuler le développement.
(Dictionnaire Larousse, 2011)

Avez-vous remarqué à quel point  un bon soutien psychologique venu du bord de la route peut redonner des ailes au sportif fatigué ? Il a été prouvé scientifiquement qu’un encouragement envoyé au moment adéquat et idéalement reçu suivant un angle optimal de 33,7° pouvait dans certains cas augmenter le courage du receveur de 17,8 MegaKoura, avec parfois 82% d’efficacité en plus et 63% de tenue supplémentaire par rapport à un encouragement ordinaire. Résultat vérifié par huissier.

je ne parle pas des inutiles “vas-y, tu es 427ème”, “cours plus vite fainéant”  ou “tu vas l’avoir, il est à 3 minutes” lancé par un Zozo, un Gugusse qui passait par là, qui a vu une course à pied, de la lumière et qui est entré pour voir si, par hasard, il n’y aurait pas un buffet. Dans la série des encouragements inutiles, j’aime particulièrement le classique "courage, plus que cinq minutes et tu es arrivé" : quand on vous annonce ça, vous pouvez être sûr que votre fidèle GPS vous calcule encore six bons kilomètres à parcourir et que d'après le gentil Gugusse ci-dessus mentionné, vous allez tranquillement faire le reste du parcours à 72 km/h, tel le guépard moyen. Une parenthèse dans la parenthèse pour préciser que bien que le guépard soit l'animal terrestre le plus rapide au monde, il doit quand même être au taquet et fortement chargé d'amphétamines pour tenir six kilomètres à cette vitesse.  Double fin de parenthèse.

Mais je m’égare. C’est à cause du guépard. J’aime bien les guépards. Ils sont tellement beaux quand ils courent. Désolé. Pouf, pouf.

Je parle ici des véritables encouragements, francs, honnêtes, désintéressés, ceux qui vous redonnent un courage inébranlable qui dure deux fois plus longtemps qu’un simple  courage de marque X dans une boite blanche toute moche. Évidemment, l’efficacité maximale est souvent obtenue quand l’aide psychologique a pour origine des gens qui vous sont très proches : conjoints, enfants, amis, parents. Vos gens à vous, quoi...

Sur un marathon, je pense qu’il doit être possible d’atomiser son record personnel en positionnant, de façon optimale et intelligente, un ami ou quelqu'un de sa famille tous les 4 kilomètres. Il suffit de trouver une dizaine de volontaires motivés, mais bon, j'admets qu’au niveau de la logistique ce n’est pas forcément facile à mettre en oeuvre. De plus, il faut choisir un marathon un peu intimiste, un petit marathon de campagne, pas un rassemblement titanesque comme Paris ou New-York et il faut soit une grande famille, soit beaucoup d'amis, soit les deux. Pas si simple...

Pour l’anecdote, vous avez déjà essayé de vous retrouver sur une de ces vidéos fournies par l’organisation et prises en fonction de vos temps de passage ? Le concept est absolument génial, du moins sur le papier : 

  • Nous avons d’un côté : M. John D, dossard 12657, temps de passage à cet endroit, un temps tout à fait officiel enregistré par une Puce Electronique vérifiée par l’Organisation (notez le O majuscule) et qui donc ne peut pas se tromper, de 1h17’53”.
  • De l’autre : cette vidéo qui a été prise au même endroit entre 1h16’50” et 1h19’00”.
  • Ce qui nous donne, si on additionne les deux, le résultat logique et imparable suivant : si vous regardez très attentivement, vous allez vous voir passer. Vous imaginez un peu ? Quel bonheur !
Dans la réalité, ça donnerait plutôt ça : vous vous retrouvez les yeux écarquillés et rougis à force de scruter l’écran, après 39 passages en boucle de la dite vidéo, rivé sur toutes les casquettes noires, tous les T-shirts blancs et rouges, tous les shorts noirs, tous les cheveux blancs, bref, tout ce qui pourrait ressembler à un John qui court, et après une heure de ce régime que voyez vous enfin passer devant vos yeux éblouis ?
Des éléphants roses.
Tout un troupeau.

Dans ces conditions, vous voyez d'ici vos chances d'apercevoir un de vos amis et d'entendre ses encouragements ? J’ai la réponse, elle a été fournie par la puce qui ne peut pas se tromper mentionnée  ci-dessus : une chance sur 1447567.

Tout ce délire verbal pour en arriver finalement au TOP5 des encouragements qui me donnent le plus la patate. Par ordre d’efficacité croissante, j’annonce :

- Le  "super, Papa, rattrape- le !" de mon plus jeune fils : je me demande toujours lequel des 300 coureurs qui me précèdent je dois rattraper. 
- Le fabuleux "je t'aime Papa" de mon grand Tanguy de fils : celui-là il me coupe tous mes moyens tellement il me fait rire ; il fait d'ailleurs aussi beaucoup rire les autres spectateurs, ainsi que les autres coureurs.
- Le très efficace mais légèrement agaçant "bravo Papa, tire sur les bras, gratte le sol avec tes orteils, pousse vers l'arrière, utilise la gravité, rebondis" de ma fille qui, elle, est une vraie championne et pas une Nulenspore comme son père.
- L'extraordinaire "Cours, Forrest ! Cours !" de mon meilleur ami, qui, lancé judicieusement à un quart d'heure de l'arrivée me fait gagner entre 20 et 30 secondes au kilomètre sur tout le trajet restant. 
- Le merveilleux "tu es mon héros !" de ma femme, qui soit dit en passant arrive toujours à me voir au moins 5 ou 6 fois sur le même Marathon, ce qui représente quand même une très belle performance. Au marathon de la côte d'amour, en 2009, elle a même loué un vélo. 

Et pourquoi d’un seul coup comme ça, sans prévenir, ce long texte sur les encouragements ? L’idée m’est venue à la lecture des commentaires et messages que vous avez laissés un peu partout à mon attention. Ils sont, pour moi, comme des amis au bord de la route. Quand je doute, que je relis ce que j’ai écrit et que je trouve ça fade, nombriliste, sans intérêt, ils me donnent l’envie de continuer et parfois, comme c’est  le cas aujourd’hui, ils me fournissent le sujet de l’article suivant.

Je ne le dirai jamais assez : encore merci à tous pour vos encouragements.

Ami lecteur, si dans une course tu aperçois un sympathique coureur bien fatigué, trouve une phrase drôle et accrocheuse et encourage-le ; si sur Internet tu découvres un article ou un message que tu prends plaisir à lire, laisse un petit commentaire malin, car :

Seul, on avance moins vite,
et plus on avance moins vite,
moins on avance plus vite.
John D, 2011

vendredi 2 septembre 2011

La métamorphose du Nulenspore, 1ère partie

2004. John court maintenant depuis 8 ans, de plus en plus souvent et de plus en plus longtemps. Il parle peu de cette activité à son entourage car son esprit est marqué à jamais par les moqueries et brimades subies par le passé. Vous vous souvenez ? Nulenspore un jour, ... Mais John a un rêve, un vieux rêve de gosse, un rêve qu'il ose à peine s'avouer : "Je veux courir un marathon". Quand il se répète cette petite phrase, il a l'impression d'entendre d'énormes éclats de rires autour de lui, les remarques assassines fusent, tous ses anciens camarades de classe, réunis en une foule compacte, se roulent par terre en hurlant de rire, tous ses anciens professeurs de sport, assis en ligne devant lui tel un inflexible tribunal pouffent, raillent, et se gaussent en se tenant le ventre.

John veut courir un marathon.
Philippidès, Emil, Abebe, Haile, au secours.
John va avoir besoin d'aide.


Il n'était pas question que je m'inscrive à un marathon officiel. Moi, prenant place dans un sas de départ avec des milliers d'autres concurrents ? Impensable. Inimaginable. Pour parler franchement, j'avais bien trop peur. Bizarrement, je n'avais aucune difficulté à m'imaginer épuisé et contraint à l'abandon au bout de 30 kilomètres avec dans la tête cette petite litanie : "John, petit Nulenspore, que fais-tu dehors ? Ce n'est pas ta place. Tu es un imposteur. Il n'y a que des sportifs ici. Tu devrais t'arrêter et rentrer chez toi. Laisse-nous finir cette course entre hommes et retourne à tes livres, ok ?".

J'avais compris depuis longtemps que je ne pourrais jamais m'inscrire à un marathon sans être sûr et certain de tenir la distance. Un abandon en public aurait été fatal et je serais resté un Nulenspore. A jamais.

Un beau dimanche de septembre 2004, je suis parti courir comme d'habitude. Il faisait un temps idéal pour une sortie longue, ni trop chaud, ni trop froid. J'ai transmis à ma famille un petit message légèrement différent du message habituel : "ce matin, je vais courir longtemps alors ne vous inquiétez pas". Le message est passé pratiquement inaperçu auprès de mes enfants, mais j'ai cru déceler dans les yeux de ma femme un bref éclair de compréhension, quelque chose comme : "Message reçu. Essaie quand même d'être là pour le déjeuner, et si possible pas sur une civière".


0 x 7 = 0.   La stratégie de la table de 7.

Mon trajet préféré dans la forêt faisait exactement 7 kilomètres. Un trajet idéal, presque plat, avec un robinet d'eau qui me ferait un excellent point de ravitaillement. Ce trajet effectué des centaines de fois depuis des années était pour moi le symbole de l'entraînement facile : j'aurais pu le faire les yeux fermés tellement je le connaissais. Je l'avais fait souvent avant mon petit déjeuner, dans le noir au petit matin, tellement endormi que je ne rendais même pas compte que je courais. Quand j'étais fatigué, quand j'étais un peu malade, je me rabattais toujours sur ce trajet car il représentait pour moi le minimum d'une sortie en course à pied. Dans toute la suite de cet article, et pour une meilleure compréhension du texte, nous l'appellerons le "petit tour facile".

Facile ? Pas si sûr.
Depuis quelques temps, une idée folle avait germé dans mon esprit, une idée toute simple venue tout droit du cours élémentaire : 6 fois 7 égale 42.
Mais 6 fois un petit tour facile on ne sait pas ce que ça fait, c'est l'inconnu.
L'avantage d'un marathon furtif en solitaire c'est qu'à n'importe quel moment on peut rentrer tranquillement chez soi dans l'indifférence générale. Le résultat n'est pas rendu public et c'est exactement ce dont j'avais besoin.

Revivons, avec un léger différé d'environ 7 ans (tiens, encore un 7), quelques-unes des impressions de notre coureur du dimanche.




1 x 7 = 7.   John, petit Nulenspore, que fais-tu dehors ?

Je cours lentement, à environ 10 km/h. Le but est de me prouver que je peux tenir la distance et pas de faire un chrono. De toute façon, elle n'est même pas officielle cette course, mon éventuel record de France sera probablement invalidé alors inutile d'en faire trop.
Le premier tour a été tranquille car couru beaucoup plus lentement que d'habitude ; mais dans mon esprit règne une grande agitation : Tu veux vraiment faire ça ?  Aujourd'hui ?
Oui.
Aujourd'hui.
Ravitaillement.
Plus que cinq petits tours faciles.



2 x 7 = 14.   Es-tu prêt à aller jusqu'au bout ?

Ben Oui, pourquoi ?
Pour l'instant ce n'est pas dur.
J'ai déjà fait un tiers.
Ravitaillement.
Plus que quatre petits tours faciles.


3 x 7 = 21.   Le point de non-retour.

Je suis à la moitié.
Je suis déjà fatigué et il faut que je fasse deux fois ça.
C'est dingue.
C'est dingue mais c'est possible.
Je le sens.
Ravitaillement.
Plus que trois petits tours faciles.


4 x 7 = 28.   Et au mépris du danger, avancer vers l'inconnu.

Cher John, je te rappelle aimablement que tu n'as jamais couru plus de 2h30 sans t'arrêter. Pas de doutes, John, tu es cinglé, tout ce dont tu as besoin, c'est d'un bon psychiatre, pas d'un marathon.
Je m'en moque.
Tu sais ce que je lui dis à ton psychiatre ?
Qu'il vienne un peu courir avec moi, ça lui fera les jambes et il gambergera moins.
J'avance.
Ravitaillement.
Plus que deux petits tours faciles.


5 x 7 = 35.   La grande muraille de Chine.

Je ne sens plus mes jambes, elles sont comme des morceaux de bois, j'ai l'impression qu'elles ne plient plus, je mets mécaniquement un pied devant l'autre, puis l'autre devant le pied.
Je me sens épuisé, vidé.
C'est donc ça le mur du marathonien ?
Bonjour Mur, pas vraiment enchanté de vous rencontrer.
On a apparemment un bout de chemin à faire ensemble, alors faisons connaissance.
Le temps et les kilomètres passent, je suis au-delà des kilomètres et hors du temps.
J'avance.
Ravitaillement.
Plus qu'un petit tour facile.


6 x 7 = 42.   Stupeur et tremblements.

Le mur est resté derrière, on se connaît bien maintenant.
Je tiens toujours mes 10 km/h.
Dernière petite montée, 400m avant l'arrivée, j'y suis presque.

Un vélo me rattrape : ma femme a envoyé ma fille en reconnaissance, elle commence peut-être à se demander si tout va bien ? C'est vrai qu'il est plus de 13h, ça fait presque quatre heures que je suis parti, il y a quand même de quoi s'inquiéter.

Une coureuse me double tout doucement et très facilement dans la montée. Ma fille, qui décidément me connaît très bien, me glisse malicieusement :
- "Tu te laisses doubler par une fille ?".
Je parviens à sourire, un sourire qui doit être tout bizarre, déformé par la douleur :
- "Oui mais elle, c'est une sportive".

Arrivée.
Je suis très fatigué, je tremble et je suis stupéfié.
Je regarde quand même le chrono global, pour la forme : 3h 57mn 29s.
J'ai réussi, ça ne va pas changer la face du monde, mais ça va changer ma façon de le voir.
Je vais rentrer chez moi, prendre deux comprimés de paracétamol, un bain chaud et me reposer.

C'était possible, finalement.


La métamorphose de John a commencé.
La larve est devenue une chrysalide.
Ce n'est pas plus joli à regarder, mais on progresse.

dimanche 29 mai 2011

Nulenspore (Homo Minimalus Vulgaris)

Ou on retrouve John qui a de plus en plus mal partout à cause de la course à pied et cherche une solution pour continuer à courir, avec le secret espoir de faire un jour un podium en catégorie "Vétéran 5".

"Merci pour le certificat médical, Docteur, mais dites-moi, c'est normal que j'aie tout le temps un peu mal là, et puis là, et encore là ? Et là aussi ?".

Mon praticien préféré chausse ses lunettes qui, soit dit en passant, le rendent aussi sérieux que le titre en latin de cuisine de cet article et lève vers le ciel un doigt moralisateur. Dans cette position, il a tout du Schtroumpf à lunettes, le bleu en moins. Je pressens ce qui va suivre et pour être certain de rester bien détendu, je l'imagine peint en bleu avec un joli bonnet blanc. Ca lui va bien. Comme ça risque de ne pas être suffisant je m'empresse d'ajouter mentalement le pantalon blanc moulant et la petite queue ronde qui dépasse. Ok, je suis prêt, vas-y, tu peux envoyer la prise de tête, Doc !

"Mais mon cher John, vous courez trop. Courir c'est mauvais, c'est mauvais pour les articulations, mauvais pour les tendons, mauvais pour les genoux, mauvais pour les hanches, mauvais pour les chevilles, mauvais pour le dos, courir détruit votre corps. Vous devriez faire de la natation ou du vélo ; ça, ce sont de bons sports. Courir c'est MAL."

Bon, c'est fait. Il n'a pas dit vélo, natation OU golf, c'est toujours ça de gagné. Je me serais senti obligé de critiquer le golf et ça se serait certainement terminé en pugilat. Pour l'instant l'orage est sous contrôle, mon prof de yoga serait fier de moi, si j'en avais un.

Je prends ma respiration, me concentre une nouvelle fois sur mon image mentale de schtroumpf médecin à lunettes, et la réponse fuse en accélération progressive comme si je l'avais apprise par coeur : "Mais Docteur, j'aime courir. Vous dites que la course à pied est mauvaise pour le corps mais je vous rappelle qu'en 15 ans de course à pied ma tension artérielle a baissé de 4 points et est devenue normale, j'ai perdu 20 kilos, mon rythme cardiaque au repos est descendu de 20 pulsations par minute, je dors comme un bébé, je me sens bien dans ma tête et dans mon corps, je suis calme, je ne fais plus de grosses colères, je ne suis plus dépressif, je pense que courir c'est bon pour le corps et c'est bon pour la tête, de plus (à partir de là, on lit très vite pour finir au sprint) je fais déjà mes 100 kilomètres de vélo de route chaque semaine, je préfère éviter les piscines car je nage comme une plaque d'égout mais pour moi rien ne remplace la course à pied car la course à pied, c'est le pied" - stop - Fin de transmission. Vous pouvez respirer.

Décidemment, ce n'était pas une bonne semaine : la veille, mon pote Karl a qui je parlais de ma douleur persistante au tendon d'Achille - Karl est officiellement Masseur-Kinésithérapeute dans le civil mais en fait, c'est une couverture : il est en réalité Grand Maître Cosmoplanétaire de la secte "Ecoute ton corps" - m'a dit, prenant son air le plus inspiré : "ton corps essaie de te dire quelque chose". Je me répète toujours les conseils de Karl avec un accent Roumain et ils prennent tout de suite une autre dimension. Essayez, vous allez voir, c'est irrésistible.

D'accord les gars, merci pour votre soutien. Alors, si je résume : soit je change de sport, soit j'écoute mon corps qui me susurre à l'oreille "depuis que tu cours, j'ai mal partout : fais autre chose".

Sinon il y a la secte de Karl...
Je refuse d'accepter ça sans me battre.
Alors je cherche.
Sur Google.
Car Google est mon ami.
Un ami dont il faut se méfier.

Première constatation, les coureurs se blessent tout le temps, vous pouvez vérifier. Le nombre de blogs sur les blessures en course à pied est presque aussi important que le nombre de sites de rencontres. Pourquoi toutes ces blessures puisque courir est une activité naturelle ? A mon avis, l'homme est génétiquement programmé pour courir très vite une fois de temps en temps - quand il est poursuivi par un tigre à dents de sabre, le mari de sa maitresse ou le pitbull du voisin - et trottiner très longtemps le reste du temps.
Alors ? Qu'est ce qui fait que l'homme moderne se blesse tout le temps en courant ?

Les réponses ne manquent par sur la toile mais celle-ci m'a particulièrement inspiré : et si c'était tout simplement parce qu'on court mal ? Méditez donc cette affirmation : on court mal parce que nos chaussures ont trop d'amorti et nos chaussures ont trop d'amorti parce que sans cet amorti on se blesserait, car on court mal. Vous suivez l'idée ? Si c'est vrai, on n'est pas sortis des ronces...

Je me suis alors intéressé à cette mode venue d'outre Atlantique : le Barefoot Running, autrement dit la course pieds nus. Dangereux voire impossible dans nos régions, me direz-vous ? Je suis d'accord. Et un peu trop extrême aussi ; j'aurais l'air malin dans la forêt avec mes plantes de pieds aussi résistantes qu'un derrière de bébé. Par contre, une évolution du Barefoot Running m'a paru particulièrement prometteuse : la course à pied en chaussures minimalistes. Cette pratique consiste à courir avec des chaussures sans amorti, très légères, avec une semelle fine qui permet au pied de continuer à recevoir les informations transmises par le terrain et surtout avec une semelle "zero-drop", c'est à dire sans dénivelé entre le talon et l'avant de la chaussure.

Ca a été une révélation et je me suis alors transformé progressivement en Homo Minimalus. Les résultats ont été surprenants, mais ça, je le raconterai une autre fois.

Parce que ça n'a pas été simple.
Mais ça a été drôle.

mercredi 4 mai 2011

220 moins ton âge, à un cheval près...

On retrouve John qui a arrêté de s'épuiser bêtement, et attaque avec détermination un "Plan Marathon en 3h30" en faisant aveuglément confiance à cette sainte liste comme si elle avait été concoctée par le messie Cosmo-Planétaire en personne.

Toutes les allures de mon premier plan d’entraînement étaient données en pourcentage de ma Fréquence Cardiaque Maximale, la fameuse FCM. La première étape logique consistait à déterminer le nombre maximum de battements que mon cœur pouvait produire en une minute ce qui, admettez-le, n’a vraiment rien de rassurant et peut même tourner rapidement à l’angoissant. Dans ces cas là, il ne faut surtout pas réfléchir : ça fait trop peur.

Après avoir écumé Google, j’ai essayé un peu toutes les méthodes de détermination de la FCM dans l’espoir de parvenir à un résultat raisonnablement juste. J’étais bien naïf à l’époque, j’ai donc courageusement :

- Calculé "220 moins mon âge à un cheval près" sans même avoir recours à une calculatrice,  pour obtenir "177 plus ou moins 17,7". Ca n’a pas été le calcul le plus difficile, mais certainement le plus inutile.

- Utilisé la beaucoup moins célèbre équation de Robers et Lanwher pour déterminer que (208,754 - 0,734 x mon âge) était à peu près égal à 177,192. Cette fois j’ai eu besoin d’une calculatrice ce qui prouve, d'une part, que la méthode est beaucoup plus juste et d'autre part, que ce n’était vraiment pas la peine d'ajouter trois chiffres après la virgule pour parvenir au même résultat.

- Utilisé pas mal d’autres formules : Inbar (205,8 – 0,685 x mon âge = 176.345), Miller (217 - 0,85 x mon âge = 180.45) avec à chaque fois des résultats différents.

- Compris que rien ne vaut un bon test sur le terrain, mais que c'est quand même plus fatiguant que le calcul.

- Couru, après un bon échauffement, un kilomètre en accélération progressive pour finir au sprint et complètement épuisé ce qui m’a permis, lorsque j’ai repris connaissance, de constater que j’avais atteint une FCM de 181. Nouveau record.

- Subi (oui, c'est le bon terme) un test d'effort sur tapis roulant dans le célèbre centre de médecine du Sport de l’hôpital du coin ; test durant lequel on a poussé mon corps dans ses derniers retranchements en me pompant un peu de sang toutes les 3 minutes - probablement pour augmenter mon niveau de stress - et parvenir à un résultat  irréfutable et approuvé à 100% par la médecine moderne : 185. Record battu.

J’avais donc amené mon palpitant, en zone rouge, au régime moteur exceptionnel de 185 pulsations par minutes et jusqu’à preuve du contraire c’était ça son maximum. Je pense que si j’avais un peu réfléchi au fait que mon cœur tournait sans interruption et sans jamais se plaindre depuis déjà 43 longues années, j’aurais probablement renoncé à faire tout ça et je me serais contenté du célèbre "220 moins l'âge du non moins célèbre Capitaine".

Ce qui est beaucoup plus drôle, c'est d'imaginer la tête de John qui, alors qu'il finissait quelques semaines plus tard son entrainement par une bonne accélération dans la petite montée de 400 mètres qu'il aimait tant, a vu apparaître fugitivement un énigmatique 201 sur son cardiofréquencemètre. La preuve était faite : il avait parfois un coeur de jeune, mais malheureusement ça ne durait pas longtemps.

John a jeté son cardio et acheté un GPS, le coeur de l'Homme est décidément trop instable.

jeudi 21 avril 2011

Le couragemètre du Baccalauréat 1980

1980 : John est en Terminale et sa copine s’appelle Carole. Elle est adorable Carole, gentille, intelligente, drôle, mais si John est le roi des Nulenspores, elle en est l'impératrice. Carole a décidé qu’elle ne passerait pas le reste de sa vie dans la ferme familiale, au fond du marais de R., comme 10 générations de femmes avant elle, alors elle travaille d’arrache-pied pour l’avoir ce bac et elle veut mettre toutes les chances de son côté. Tous les points qu’elle pourra grappiller sont importants, même en sport... Déterminée la gamine, pas très lucide, mais déterminée. John, lui, a lâché l’affaire depuis longtemps et il traîne sa minuscule carcasse  dans les cours d’EPS en essayant de se rendre le plus transparent possible. C’est de plus en plus difficile car le grand Sportif En Chef a décidé que pour être aussi mauvais, il fallait forcément le faire exprès : incompréhension, conflit, et finalement répression.

Pour le bac, nous devions choisir deux épreuves parmi les trois proposées : natation, athlétisme, gymnastique au sol ; tu parles d’un choix. Tu préfères perdre un œil, une main ou un pied ? En natation, nous n’avions aucune chance d’arriver en vie de l’autre côté de la piscine alors le choix s’imposait de lui-même : ce sera gymnastique et athlétisme. 

Bourreau ! Un œil et une main s’il vous plaît.
Oui, chacun.

Ça s'annonçait folklorique. En gymnastique, passée la galipette que nous pratiquions depuis notre plus jeune âge, le reste semblait hors de portée. Et l’athlétisme : lancer de poids ? Mais oui, c’est ça. Saut en hauteur ? Ben voyons. Sprint ? Je pouffe.

Restait le "demi fond", 1000 mètres pour moi et 600 mètres pour elle ; ça, c’était jouable. Courir on savait faire, pas très vite c'est vrai, mais on savait faire. On jouait à chat pendant des heures dans la cour de l’école primaire, on courait bien en ce temps-là et notre corps allait s’en souvenir. Du haut de ses 1m50, avec son léger embonpoint, Carole était taillée pour la course à pied comme moi pour l’haltérophilie, mais elle avait décidé qu’elle ferait le maximum sur ces 600 mètres et l’impasse sur tout le reste, enfin, tout le reste du sport. Après tout, ce n’était qu’un tour et demi de piste, pas la mer à boire.

Le jour de l’épreuve, assis sur un banc et attendant mon tour, j’ai assisté à la course de ma copine. J’étais probablement le seul à me rendre compte de la performance exceptionnelle qu'elle était en train de réaliser : compte-tenu de sa morphologie, elle courait vite. Malheureusement, j'étais également conscient que ça ne l'empêcherait pas de se prendre une gamelle, une bonne grosse gamelle de Nulenspore. Je me suis pris à rêver d’un monde ou les résultats sportifs seraient basés sur autre chose qu’un temps, une vitesse, une distance, une hauteur. On inventerait un appareil, un couragemètre ça s’appellerait, et une unité de mesure : le Koura. Il y aurait des picoKoura, des nanoKoura, des microKoura et toute la suite jusqu’au yottaKoura, qui représente comme chacun sait 10 puissance 24 Koura. Une petite mesure avant la course, une petite mesure après la course et hop : une note en Koura. Une note qui ne serait pas fonction du patrimoine génétique du sujet, de sa santé, de sa taille, de son poids, de son Handicap. Une note juste. Une note de courage.

600m féminin. Première : Carole M, 23.8 gigaKoura, 19/20, Félicitations.

John a fait, cette année-là, l’enchaînement de gymnastique au sol le plus tordant de la décennie avec une note de 3.27 pétaKomik, une performance encore inégalée à ce jour dans une épreuve sportive scolaire.

Mais il s’est arraché les tripes sur son 1000 mètres.
Il a grappillé un point.

samedi 16 avril 2011

Tu cours le Marathon ? Moi, j'ai un copain qui ...

Vous l'avez reconnue cette petite phrase ? Je suis sûr que vous l'entendez souvent, ou une de ses variantes ... Comme sa structure est toujours sensiblement la même je vous propose un petit jeu : retrouvez quelques-unes des innombrables possibilités en associant les bons éléments choisis dans les listes 1, 2, 3, 4 et 5 ci-dessous :

1) Moi, (facultatif, mais en général implicite) 

2) Mon / Ma / Le / La / L' / …

3) Copain / cousine / frère / père / ami d'un type qui était en CP avec moi / grand-mère de mon voisin / cousin de mon facteur / copain de ma fille / frère de ma femme / curé de ma paroisse /  …

4) A couru / a fait / est arrivé(e) Enième à / a traversé / …

5) La diagonale des fous / Le marathon des sables / l’Ultra Trail du Mont-Blanc / le spartathlon / le Western States Endurance Run / l’Ironman d’Hawaii / les 100km de Millau / la Badwater / le maxi trail des trois ânes / le Awfully Dehydrated Mummy Ultra Marathon / le désert de Gobi tout nu avec juste un verre d'eau, une petite cuiller et le Manuel des Castors Juniors / …

D’une simple phrase composée de 1+2+3+4+5, le Grand Mâle Dominant vient de renvoyer mes 42 kilomètres 195 de détermination et de douleur au rang de simple promenade de santé, de footing du dimanche, de petit décrassage de début de saison. Tout le monde peut courir longtemps, il suffit de s’entraîner, c'est facile, juste une question de volonté !

J’aimerais lui parler des sorties longues sous une pluie battante, des footings glacés au petit matin, des séances de VMA à l’arrache ; mais également de l’ambiance électrique dans le peloton juste avant le départ, les blagues à deux balles pour masquer le stress, des gentils bénévoles qui nous tendent des gobelets aux ravitaillements, des encouragements des inconnus sur le bord de la route, de ce petit jeune qui m’a servi de lièvre à la fin d’un 20 kilomètres et a fait demi tour pour m'aider à me relever quand je suis tombé. Bref, de tout ce qui fait de la course à pied un sport Humain. Mais il préfère le surhumain, l’inhumain. Tant pis...

 Il fut un temps ou le simple fait de dire "je cours parfois un Marathon" allumait des petites étincelles dans les yeux de votre interlocuteur, et son expression, un mélange subtil d’incrédulité et de respect, vous réchauffait le cœur. Tu peux courir pendant 42 kilomètres ? Ouah ! La classe ! Courir un Marathon est maintenant devenu d’une banalité affligeante et le non initié peut penser que courir longtemps ça n’a rien d’insurmontable. C’est le cas en effet à condition de « s’entrainer », mais comme il est lourd de sens ce petit S apostrophe…

Je dédie ce billet au 32000 courageux du Marathon de Paris 2011, avec une pensée particulière pour ceux qui se sont battus fièrement contre eux-mêmes mais n’ont pas atteint la ligne d’arrivée.

dimanche 3 avril 2011

L'arme absolue de John contre le mamelon du coureur (Jogger's Nipple)

Vous connaissez peut-être cette galère de la course à pied : le Jogger's Nipple est cette irritation provoquée par le frottement du tissu trempé de transpiration sur les tétons. Ce frottement fini par provoquer des crevasses et faire saigner, c'est très moche et surtout ça fait très mal. Terminer une course avec ces deux auréoles de sang, indépendamment de l'inconfort subi, ça gâche tous les efforts que l'on a pu faire pour gagner de précieuses secondes, ainsi que le soin que l'on a pu apporter à sa tenue pour être beau dans le peloton.

J'ai subi ce désagrément assez longtemps, il faut dire que j'ai toutes les caractéristiques pour être élu "Jogger's Nipple of the Year" : une transpiration excessive, des pectoraux (légèrement) proéminents et des mamelons qui ont tendance à se durcir quand je cours.
Je vais juste pour le plaisir vous énumérer les techniques, toutes plus inefficaces les unes que les autres, que j'ai pu expérimenter avant de trouver l'arme absolue (The Ultimate Anti Jogger's Nipple Weapon).  Ca va me permettre de faire durer un peu le suspense. Attention ! Interdiction de commencer à lire cet article par la fin sinon, dans un prochain article je vous dévoile la fin des films suivants : Sixième sens, Shutter Island, le crime de l'Orient Express et Harry Potter 21.

Parmi les trucs inefficaces, on trouve :

- Le pansement collé sur le mamelon : ne tient pas plus de 3 minutes.
- Le carré d'Elastoplaste grande largeur 6cm par 6cm collé sur les poils : ne dépasse pas les 8 kilomètres et si par miracle il tient, bonjour les hurlements sous la douche pour le décoller.
- La vaseline ou le produit anti frottement : pourquoi pas, très efficace à condition de s'arrêter tous les 400m pour en remettre.
- Le maillot en tissu ultra technique à 127€ : ça retarde un peu mais ce n'est pas suffisant pour moi. Je finis toujours pas réduire à néant les capacités d'évacuation du tissu. Pauvres ingénieurs, tout ce travail pour rien.
- Le maillot de 2 tailles trop petit enfilé sous le maillot normal : très efficace mais comprime trop les poumons ; c'est un peu dommage en course à pied de ne pas disposer de toute sa capacité respiratoire.
- La brassière : oui, mais bonjour le look.
- La bande de maintien : inutile quand elle a glissé jusqu'au nombril.
- Le capteur du cardio positionné juste sur les mamelons : efficace si on le repositionne tous les 400 mètres (pendant que vous y êtes vous pouvez profiter de l'arrêt pour remettre de la vaseline).
- Le soutien-gorge : je n'ai jamais pu me résoudre à ça, que voulez-vous : on a sa petite fierté.
- Ne pas courir quand il fait chaud : ça ne va pas, non ? Vous vous sentez bien ?
- Toujours courir doucement pour ne pas transpirer : vous voulez dire 2 km/h ? Même remarque que ci-dessus.
- N'acheter que des maillots rouge sang : idée géniale mais c'est quand même un constat d'échec, sans compter que ça n'enlève pas la douleur.

Maintenant que je vous ai bien soûlés avec ma petite énumération, je vais vous révéler mon astuce, utilisée systématiquement sur toutes mes sorties depuis des années : Vernis à ongle incolore "Tenue Strong Pro" de Gemey Maybelline.  Je pense que ça doit fonctionner avec tous les vernis à ongles incolores, mais avec celui-là je n'ai jamais eu de soucis, et surtout aucune réaction allergique.

Voici le mode d'utilisation :
- Si vos tétons sont déjà abimés je vous conseille d'attendre quelques jours leur cicatrisation complète si vous ne voulez pas faire, contre votre volonté, une démonstration de gigue Irlandaise.
- Si vous décidez de ne pas suivre le conseil précédent, merci de demander à quelqu'un de votre entourage de vous assister et surtout de se munir d'un appareil d'enregistrement vidéo.
- Appliquer une bonne couche sur le bout du mamelon et laisser sécher une minute.
- Appliquer une couche un peu plus grande et laisser bien sécher.
- Pour un 20 km ou plus : ajouter une couche.
- Pour un Marathon : ajouter encore une couche, ce sera donc la quatrième.
- Très important : le vernis doit impérativement être sec au toucher quand on enfile le maillot.

Je n'ai pas testé au-delà du Marathon, mais je peux vous assurer que vu comment je transpire, si ça tient sur moi, ça tiendra sur vous. La petite pastille ainsi créée est très solide, résiste parfaitement au frottement et pour l'enlever c'est simple : décoller légèrement le bord, attraper avec les ongles ou une pince à épiler, et tirer. Ca part tout seul, et sans tirer sur les poils.

Merci qui ?
Merci Tonton John !
Sinon, à la fin de "Sixième Sens", on comprend que...
Non, je déconne.

mercredi 30 mars 2011

Ou John comprend qu’en matière d’entrainement, il a beaucoup à apprendre.

Au dernier épisode, nous avions laissé John extrêmement perplexe face à un plan d’entrainement, et le suspense était à son comble : allait-il se décider à changer ses habitudes ou continuer à s'entrainer comme un Bourrin ?


Ce qui me paraissait le plus difficile à avaler, c’était l’extrême lenteur de certaines séances. D’après mes savants calculs, je devais faire la plupart des sorties à 10 km/h MAXIMUM. J’ai d’abord cherché partout une erreur de calcul, une mauvaise interprétation de ma part, une faute de frappe. Non, pas de doute possible : 10 km/h, éventuellement plus ou moins 0,5 km/h.


La question que je me posais était simple  : en quoi le fait de courir à 2 km/h de moins que ma vitesse sur Marathon et 4km/h de moins que ma vitesse sur 10 kilomètres va-t-il me faire progresser ? Je ne prépare pas un 100 kilomètres… Ou alors, hypothèse la plus probable, ça fait des années que je fais n’importe quoi, je n’ai rien compris à la course à pied et il est temps que je change mes habitudes avant d’être vieux, ou blessé, ou vieux et blessé.


Dans ces conditions rien ne vaut l’expérimentation, et me voilà parti pour une sortie longue de 1h30 à une allure de tortue. Je m'attendais à une petite promenade de santé et j'ai été surpris de constater la chose suivante : 1h30 à allure semi c’est épuisant et 1h30 à 10 km/h ce n'est pas si facile, c’est quand assez fatiguant. Pour la suite des opérations, il vaut mieux être fatigué qu’épuisé, non ? Deuxième constatation, courir très en dessous de ses pompes, c’est très agréable : on a le temps de regarder le paysage, de se concentrer sur sa respiration et sa foulée, de batifoler gaiement avec les sangliers et les écureuils. Bref, courir en endurance, c’est Zen.


A partir de ce jour, John a arrêté de s’entrainer comme un Bourrin, et a commencé à écouter les spécialistes. La seule grosse difficulté pour lui, quand il se traine à 10 km/h, est de mettre de côté sa fierté de mâle. Il ne faut oublier que John a un lourd passé de Nulenspore ce qui l’a rendu un peu revanchard.
Mais ça, on en parlera une prochaine fois.

mardi 29 mars 2011

T'inquiète ! J'ai un plan...

Mon plan d'entrainement (très) personnel était constitué à mes débuts de trois types de séances : la sortie assez longue, la sortie longue et la sortie très longue, courues respectivement très vite, vite et assez vite. Vous remarquerez au passage la logique implacable et sophistiquée de John. Pas de doute, il y a un cerveau là-dedans...

Le premier Plan d'Entrainement que j'ai eu sous les yeux - c'était dans Jogging International - semblait aux antipodes de ma conception de la Course à Pied. Au bout de 10 minutes d'analyse poussée de la chose, je me suis dit qu'à défaut d'améliorer mes performances sur 10km, ça allait drôlement faire travailler mon cerveau. C'était toujours ça de pris.

La page en question, entièrement remplie de formules magiques et mystérieuses, était la mise en équation, semaine après semaine, de l'évolution programmée de la forme physique du pauvre sujet, à grands coups de pourcentage de Fréquence Cardiaque Maximum, de X minutes à allure A et de Y minutes au seuil, le tout saupoudré d'une grosse proportion de sorties appelées VMA, composées d'une quantité non négligeable de 400 m à Donf et de 100m à une allure un peu supérieure que nous appellerons, pour simplifier, l'allure PlusKaDonf.

Je la trouvais particulièrement inquiétante cette page et, pour le débutant que j'étais, elle amenait beaucoup trop de questions : il se passe quoi si, sans faire gaffe, je la dépasse cette FCM ? Il y a un risque d'explosion cardiaque ? Le seuil de quoi ? Le seuil de Douleur ? Et le plaisir de courir dans tout ça ?

Je sentais quand même confusément que j'avais entre les mains un magazine on ne peut plus sérieux et que le créateur de cette stratégie d'amélioration des performances devait savoir de quoi il parlait.

J'étais probablement dans l'erreur ; le doute s'installait, insidieusement.

Dans un prochain épisode vous saurez si John va perdre son innocence de coureur du dimanche, sacrifier son humanité pour devenir une extraordinaire machine à courir et basculer définitivement du côté obscur de la Course à Pied.

samedi 26 mars 2011

La VMA : La Vitesse Maxi de l'Abruti

Comme tout coureur autodidacte qui se respecte, j'ai couru n'importe comment pendant des années. Mon plan d'entrainement, d'une subtilité de tractopelle, pouvait se résumer ainsi : courir plus souvent, courir plus longtemps, courir plus vite. Il faut dire qu'avec un entrainement pareil les progrès, surtout dans les premières années, étaient fulgurants. Au fil des mois, je me fixais des objectifs de plus en plus délirants :

"Je dois courir" (le niveau zéro, indispensable pour la suite)
"Je dois courir 8km sans m'arrêter"
"Je dois courir 10km sans m'arrêter"
"Je dois courir 12km sans m'arrêter"
"12km, c'est fait, mais je vais les faire en une heure"
"Je vais faire un semi"
"Je vais faire un semi à 13 km/h"
"Je vais rentrer du travail en courant" (facile, y'a que 28 kilomètres)
"Dimanche matin, je vais courir 6 fois 7 km, pour voir si j'y arrive" (véridique ;-)
"J'y arrive, je suis prêt pour un vrai Marathon"
"Je vais faire un marathon à 12 km/h"
"Je vais faire un marathon à 13 km/h" (Aie !! Là ça ne passe plus, il ne faut pas exagérer quand même, stop!, stop!!, STOP!!!!! Ca va pas non ???? T'es pas un peu malade ??!!??)

Mon corps a commencé à se rebeller contre un tel acharnement de mon esprit : tendinites, courbatures permanentes, articulations douloureuses, et j'en passe. J'avais toujours mal partout, mais pas au point de rater l'une de mes trois sacro-saintes séances hebdomadaires. J'ai la chance d'avoir une constitution plutôt robuste et pendant 15 ans je n'ai été vraiment blessé qu'une seule fois : une tendinite de mon cher ami Achille, 6 semaines d'arrêt. J'ai eu de la chance et je ne vous conseille pas d'essayer le super Plan d'Entrainement de John : "courez tout le temps le plus vite possible, on verra bien".

Le problème avec cette technique d'Abruti, c'est qu'au bout de quelques années de ce régime, plus on s'entraîne, plus on régresse. J'ai mis longtemps à comprendre : pour progresser, aussi bizarre que ça puisse paraître, je dois courir souvent à 10 km/h, mais ça fera l'objet d'un autre article.

mardi 22 mars 2011

Puis deux autres...

1975. John a 12 ans et est le freluquet de sa classe, il est ce qu'on appelle couramment un "Nulenspore". Vous avez tous rencontré un Nulenspore, souvenez-vous : le pauvre looser que l'on choisit en dernier lorsque l'on constitue les équipes au #$*+FOOT##/+*. C'est à cette époque que John a commencé à avoir un peu de mal à se supporter.

1996. John a 33 ans, il pèse 93 kg pour 1m80, fume deux paquets de cigarettes par jour et la dépression n'est pas loin, elle l'attend au tournant. Un beau matin  de mai 1996, pour une raison inconnue, il décide d'aller faire un petit footing en forêt près de chez lui. Asphyxié et à l'agonie au bout de deux kilomètres, il s'assoit par terre, se demande si tout cela est bien raisonnable mais finit par se relever et refaire péniblement deux autres kilomètres, puis deux autres, puis deux autres. Depuis ce jour, John court.

2007. John va beaucoup mieux. Il ne fume plus, pèse 73 kg et termine son premier marathon en 3 heures 27 minutes. Ce temps plus que modeste ne l'empêche pas de verser quelques larmes sur la ligne d'arrivée. John s'en est sorti, le chemin a été long et difficile mais finalement plutôt intéressant.

2011. John a maintenant une réputation de grand sportif bien dans sa peau, ce qui flatte son ego mais le fait quand même doucement rigoler. On lui demande souvent ce qui le pousse à courir autant mais il peut difficilement s'exprimer sur le sujet. Rien ne le pousse ; il se pousse tout seul. Il pense pourtant que son expérience pourrait servir à d'autres Nulenspores, d'autres intoxiqués, d'autres freluquets ou d'autres dégoutés de la vie. Alors il décide d'écrire un peu. Pas beaucoup, juste deux lignes, puis deux autres, puis deux autres, puis deux autres...